Y a-t-il une limite à la durée de la vie humaine ?
« Sans doute, l’homme ne deviendra pas immortel ; mais la distance entre le moment où il commence à vivre et l’époque commune, où naturellement, sans maladie, sans accident, il éprouve la difficulté d’être, ne peut-elle s’accroître sans cesse ? ».
[Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain].
Une question d’actualité…déjà posée en 1793
Voilà ce qu’écrivait, en 1793, Nicolas de CONDORCET, grand mathématicien, philosophe, homme politique français, féministe et antiesclavagiste avant l’heure, sans doute l’esprit le plus brillant du Siècle des Lumières qui disparut mystérieusement à la fin de la Terreur, au printemps 1794.
Il se posait la bonne question, une question d’actualité en 2022 au regard de l’évolution démographique présente de nos sociétés occidentales, la même qu’on observe aux USA et au Japon. Est-ce qu’il y a une limite à la durée de la vie humaine, et si oui, est-elle fixe ?
L’espérance de vie dépend de l’espèce
Elle est d’abord déterminée par la génétique, en fonction de l’appartenance à telle ou telle espèce.
Si la tortue « courante » (Évidemment, on n’a jamais vu une tortue courir ; disons terrestre ou domestique, de celles qu’on appelle souvent Pénélope ou Caroline dans les familles.), peut dépasser facilement 60 ans d’âge à condition qu’elle soit bien traitée, c’est parce qu’elle a un papa tortue et une maman tortue ! Qui eux-mêmes ont pu, dans l’idéal, vivre très longtemps. Si le hamster va vivre 2 ou 3 ans seulement, c’est qu’il a un papa et une maman hamster.
Il faut que vos enfants ou petits-enfants en aient bien conscience quand ils vont adopter un animal. Et un animal vit toujours plus longtemps en captivité qu’en liberté.
L’Homme repousse les limites
Pour l’Homme, en fonction de l’expérience historique de l’humanité, des livres traditionnels de biologie ou des écrits sacrés comme la Bible, on considère traditionnellement le chiffre de 120 ans comme la limite dans des conditions optimales. Et, aujourd’hui, nos contemporains seraient de plus en plus nombreux à approcher ce chiffre, même s’ils ne se comptent encore qu’en quelques dizaines. Mais, pour certains scientifiques, il serait question d’aller beaucoup plus loin. Dans ce cas, oui, il y aurait une limite, mais elle ne serait pas fixe, ou pas fixée ; pour eux, il est probable qu’elle croisse lentement : 130, 140, 150 ans ? Ou encore, il n’y aurait pas de limites et au cours des siècles à venir, cette limite va progresser vers des chiffres actuellement incroyables (200 ans ou plus) sans devoir s’arrêter.
Certains chercheurs le pensent sérieusement, mais la réponse n’est pas encore vraiment sur la table : simple conjecture pour le moment.
On meurt plus tard, avec une inégalité hommes / femmes
Une chose est sûre : le nombre de décès prématurés (à un âge trop jeune, disons inférieur à 75 ans.) diminue même s’ils sont encore trop nombreux. Le corollaire : la majorité des Françaises et des Français décèdent à un âge identique qui est un âge de plus en plus élevé.
Ensuite, cela dépend de votre pedigree, de vos ancêtres. S’ils ont vécu plus longtemps que la moyenne de la population, vous aurez plus de chances de faire de vieux os, voire très vieux os. Avec, à la clef, un bonus par rapport à la génération précédente.
Sur les 600 000 personnes décédées en France en 2017, la moitié avait plus de 83 ans et un quart plus de 90 ans. En un demi-siècle (de 1967 à 2017), la moyenne de l’âge au décès est passée de 64 à 76 ans pour les hommes et de 72 ans à 83 ans pour les femmes.
On pourrait dire que l’on meurt, en moyenne, dix années plus âgé qu’au milieu du XXe siècle. Et corollaire, on hérite, des biens matériels et du patrimoine, bien plus tard dans le décours de la vie ce qui a une incidence marquée sur la mentalité entrepreneuriale et l’investissement personnel des héritiers : ils ont tendance à être moins dynamiques et à prendre moins de risques. Rajoutons que la première année de la vie est encore très dangereuse, plus précisément pendant la toute première semaine, juste après la naissance.
Et l’âge le plus sûr ?
Alors, pour finir sur une note encore plus positive : quel est, aujourd’hui, l’âge de la vie où l’on meurt le moins, l’âge le plus sûr, le moins dangereux ? C’est entre 5 et 16 ans où la probabilité de mourir est la plus faible… et à cet âge, elle est à peu près la même pour les garçons et pour les filles alors qu’à tous les autres âges de l’existence (même in utero !), le taux de mortalité des hommes est toujours supérieur à ceux des femmes.
Comme quoi le sexe faible n’est peut-être pas celui qu’on pense ! Alors, longue vie à tous.
Docteur Michel Allard est médecin retraité et chercheur indépendant.
Il est auteur et co-auteur de plusieurs ouvrages de référence sur la longévité.
Vous pouvez les commander à votre libraire habituel et les retrouver sur leslibraires.fr
Allard, M. (2019) Le bonheur n’a pas d’âge. Paris, France : Le Cherche Midi.
Allard, M. et Robine, J.-M. (2000). Les centenaires français, étude de la Fondation IPSEN 1990-2000. Paris, France : Serdi, coll. « Année gérontologique ».
Allard, M. et Thibert A. (1998). Longévité mode d’emploi. Paris, France : Le Cherche Midi.
Allard, M. (1995). Poèmes sur le temps qui passe, anthologie de la poésie française. Paris, France : Le Cherche Midi.
Allard, M., Lèbre, V; et Robine, J.-M. (1994). Les 120 de Jeanne Calment, doyenne de l’humanité. Paris, France : Le Cherche Midi, coll. « Documents ».
Allard, M. (1991). À la recherche du secret des centenaires. Paris, France : Le Cherche Midi.